Le Protocole de Nagoya est entré en vigueur, au niveau mondial, le 13 octobre dernier, car plus de 50 pays l’avaient ratifié à cette date. Il a été ratifié par l’Union européenne et fait l’objet d’un règlement européen, il est donc entré en application. La France n’a, à ce jour, pas ratifié le Protocole.
Ce protocole a pour but de définir les modalités d’application des principes qui figurent dans la Convention sur la diversité biologique (CDB) ratifiée par la France en 1993.
En particulier, dans le Protocole, est défini le principe d’Accès et de Partage des Avantages (APA ou ABS : Access and Benefit Sharing) résultant de l’utilisation des « ressources génétiques ».
Le Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a édité une brochure explicative « Comprendre le fonctionnement du mécanisme d’APA et les dispositions clés du Protocole de Nagoya » (10 pages). (Cette brochure donne en particulier la définition de termes nouveaux auxquels les entomologistes vont devoir s’habituer…).
En résumé :
Il s’agit de mettre fin au déséquilibre entre « le Nord et le Sud » dans la valorisation commerciale des ressources et de leurs dérivés, alors que ces ressources sont majoritairement situées dans des pays pauvres qui ne peuvent pas les valoriser et qui estiment que leurs ressources sont « pillées » par certains industriels ou grands groupes des pays développés.
Le Protocole de Nagoya pose comme principe que chaque état est désormais propriétaire de ses ressources génétiques naturelles (alors que précédemment elles étaient considérées comme « res nullius ») et que chaque « communauté autochtone » est également propriétaire de ses « savoirs locaux » à propos de ces ressources.
L’accès aux ressources génétiques est libre, mais pas forcément sans condition, ni gratuit, et il doit y avoir en préalable à toute utilisation d’une ressource génétique, une négociation sur le partage avec le pays d’origine des avantages (essentiellement commerciaux) qui peuvent en être tirés (APCC : Accord préalable en connaissance de cause ou PIC : Prior Informed Consent).
En pratique cela signifie que toute collecte de ce qui est susceptible de représenter une ressource génétique doit faire l’objet d’un Accord de Transfert de Matériel (ATM ou MTA : Material Transfert Agreement) qui inclut le partage des avantages prévisibles ou non.
Cela implique une traçabilité des ressources collectées jusqu’à une éventuelle valorisation économique ou non qui pourrait profiter au détenteur initial.
Conséquences pour l’activité des entomologistes
Désormais tous les Arthropodes sont légalement considérés comme des « ressources génétiques », comme tout ce qui contient une information génétique, même sans « unités fonctionnelles d’hérédité », que le spécimen ou l’échantillon soit vivant ou mort.
Tout accès à une ressource génétique, ce que devient désormais tout insecte ou élément d’insecte collecté dans un pays propriétaire, est donc, a priori, soumis à cette négociation préalable et à cette traçabilité ultérieure.
La recherche académique, c’est à dire l’accès à des ressources génétiques à des fins taxonomiques (description des espèces), ou d’inventaires, ou pour la publication de recueils décrivant des connaissances traditionnelles associées à des espèces locales (plantes, insectes, etc.) fait partie des exemples d’utilisation de ressources génétiques, même si aucun développement commercial n’en découle.
Il est important de noter que seule l’utilisation pour la « recheche et développement » (R&D) à but commercial (cosmétiques, médicaments, etc.) est dans le champ du Protocole, le commerce des insectes comme « spécimens de collection » étant déjà réglementé par des lois et conventions particulières.
Seule l’utilisation ultérieure d’un de ces spécimens de collection pour de la R&D à but commercial obligera à revenir dans le champ du Protocole de Nagoya.
Il en résulte que la procédure d’obtention des autorisations d’accès devrait être plus simple pour des « recherches académiques », le Protocole préconisant cette simplicité et excluant toute rétroactivité concernant les ressources acquises précédemment à sa ratification.
Mais, pour se conformer au protocole il faudra, bien évidemment, que le pays d’origine des ressources ait mis en place une législation adéquate et une structure pour traiter les demandes.
C’est encore très loin d’être le cas pour tous les pays, voire impossible pour beaucoup, et seuls les plus avancés (et/ou les plus jaloux de l’exclusivité du contrôle de leurs ressources) feront rapidement cette démarche. Le statu quo ante risque de se prolonger dans beaucoup de pays, mais il sera prudent d’être bien au courant des réglementations locales avant de partir en expédition.
Le site officiel et permanent de la CDB fournit, progressivement pour chaque pays, l’état de la législation relative à l’accès aux « ressources génétiques » et les organismes à contacter (À l’exception notable des États-Unis qui n’ont pas ratifié la CDB).
Le site de la CDB (site multilingue) – (Voir ensuite à l’onglet « Le centre d’échange d’information APA / The ABS clearing house »)
Certaines des lois nationales (beaucoup encore en langue du pays) sont déjà [peekaboo_link name= »LoisNagoya »]disponibles[/peekaboo_link].
[peekaboo_content name= »LoisNagoya »]Cette liste est en constante évolution car les pays font progressivement l’effort législatif pour appliquer Nagoya chez eux. Des liens nouveaux seront donc ajoutés au fur et à mesure, en fonction des recherches menées par la SEF : Hongrie, Mexique, Pérou, Tchéquie.[/peekaboo_content]
Bien entendu, des évolutions pourront survenir, en particulier dans la transposition du Protocole dans la loi française, notre Gouvernement ayant souhaité inscrire les modalités d’application du Protocole dans la Loi biodiversité qui sera discutée au Parlement en 2015. En particulier, la France est actuellement le seul pays à retenir comme date pour définir le champ d’application du protocole de Nagoya, non pas pas celle de la ratification de ce dernier par la France, mais celle de la ratification de la Convention sur la diversité biologique en 1993.
L’origine de cette décision est que la France, en raison des Collectivités d’Outre-Mer, fait partie des pays riches en ressources génétiques, et qu’elle a eu d’emblée une approche visant à leur protection, quelques communautés ayant même commencé à appliquer certaines dispositions sur leur territoire, comme la Polynésie.
À ce sujet, le Gouvernement reste très opposé à la notion de « communauté autochtone et locale » en vertu du principe fondamental que la République Française est « une et indivisible », lui préférant celle de « collectivté d’habitants ».
Par ailleurs, Le MNHN est très concerné par les dipositons envisagées relatives aux collections et à la restitution éventuelle de leur contenu (en particuiier les « types ») à tous les pays « propriétaires » (hypothèse que la SEF pense peu probable), mais ces évolutions devraient toutefois moins concerner les collections privées des naturalistes membres des sociétés savantes (voir plus de détails à la page sur la Loi biodiversité).
Quoi qu’il en soit, les pages du présent site informeront les associations d’entomologistes de toute évolution, dès qu’elle sera connue de la SEF.